Angels in America en tournée
La tournée se termine a Paris.
Présentation
Prior est atteint du sida ; Louis, son compagnon, a du mal à assumer cette maladie et retrouve Belize, noir travesti, son ancien ami. Sous la coupe de Roy M. Cohn, diable d'avocat républicain, travaille Joe. Ce dernier et sa femme Harper forment un couple stérile, dépendants, elle, du valium, lui, de ses fantasmes d'homosexualité refoulée. Enfants de Reagan aux ailes du désir brisées, tout le monde a peur au pays de la liberté. D'autres fantômes, très shakespeariens, se faufilent dans le chassé-croisé de leurs histoires.
La critique [evene]
par Mathieu Laviolette-Slanka
Quand tout vous abandonne, même les machines à café, que reste-t-il ? Quand le mensonge brise ce qui vous maintenait en vie, comment réagir ? En introduisant sa pièce par un enterrement, c'est-à-dire par l'adieu à la vie, Tony Kushner renverse l'ordre logique de la pensée et pose un regard méfiant sur ces dogmes sociaux - le couple, la réussite professionnelle, le bonheur - qui régissent et stimulent notre société.
Dans une arène cernée par des miroirs brouillés qui renvoient autant d'images frelatées de la vérité, les acteurs se rencontrent, vivent mais surtout se détachent progressivement les uns des autres. Ni le couple hétérosexuel normalisé, ni le couple homosexuel assumé, et encore moins le self-made man aux dents longues n'échapperont à la déchéance. Dans ces Etats-Unis aux relents de Pologne, où le capitalisme est honni autant que plébiscité, chacun plie sous le poids de ses paradoxes et s'achemine lentement mais sûrement vers la mort. D'ailleurs, pour s'assurer de cette fin, les morts reviennent, ironiquement pleins de leur certitude, hanter les vivants. Délire ou retour de bâton, le ton est donné : même les anges ne semblent plus capables de comprendre cette urgence humaine qui est le centre de la mise en scène de Warlikowski. Une urgence très palpable quand les gens, lorsqu'ils pètent les plombs, regardent le dîner brûler dans le four comme pour mieux calciner leurs craintes et leurs peurs. Sur ce fond de psychose, des images très douces viennent contrebalancer des sujets également prégnants comme le sida, le coming out ou le sacrifice. Comme un avertissement, ou un tendre regard désabusé sur une époque qui s'autodétruit par manque d'espoir.
Kushner parle d'homosexualité, mais le propos de Warlikowski est universel. La peur, le dégoût de l'autre et de soi s'appliquent à chacun, n'importe où et n'importe quand. Et sa mise en scène en fait l'ambigu aveu, passionnément, sincèrement.
Du 13 Mai 2008 au 18 Mai 2008 [Demain]
Théâtre du Rond-Point
75008 Paris
Du mardi au vendredi à 18h30, samedi et dimanche à 15h
De 10 à 33 euros